Frances
fabdSíntesis10 de Abril de 2014
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Année universitaire 2011-2012 Semestre d’automne
Mode & Luxe : images et réalités de la nouveauté
Serge Carreira
Une brève histoire du luxe :
de l’artisanat à l’industrie du rêve
Le luxe est issu d’une longue tradition et porte, en soi, l’héritage du passé. L’essentiel est de se concentrer sur l’émergence du luxe « moderne ». Il ne parait pas nécessaire de revenir sur ses premières expressions sous l’Antiquité ou au Moyen-Age.
La Renaissance : naissance d’une esthétique
1377. La papauté retourne à Rome après un long séjour à Avignon. Dans un contexte difficile, les papes successifs vont devoir lutter pour asseoir leurs pouvoirs spirituels et temporels sur les Etats Pontificaux et sur l’Europe. L’art et l’esthétique vont être des outils puissants pour affirmer leur autorité et leur supériorité. Progressivement, les papes vont déployer, à Rome, un faste inégalé1.
On redécouvre, à cette époque, la philosophie platonicienne, le culte de la beauté, les récits mythiques (dont « Les Métamorphoses » d’Ovide). La découverte de l’imprimerie va permettre une large diffusion de ces textes et de nouvelles interprétations de ces récits. Les plus grands artistes vont être conviés à réaliser des œuvres d’exception à la gloire des souverains pontifes et de la ville éternelle (le plafond de la chapelle Sixtine peinte par Michel- Ange entre 1508 et 1512 en est l’un des plus brillants par exemple). Ces fastes permettent à Rome de s’imposer comme une capitale majeure et les autres royaumes européens admirent toutes ces merveilles avec envie.
En prise avec son époque, François Ier permet à la France de rejoindre le cercle des nations innovantes et avant-gardistes. Il fait construire de nombreux châteaux et fait venir à la cour les artistes. Le plus célèbre sera, bien évidemment, Léonard de Vinci qui laissera, en France, sa fameuse « Joconde ». Se contentant d’imiter le modèle romain, dans un premier temps, les artistes vont progressivement trouver leurs propres moyens d’expression en France.
Repousser les limites : l’excellence du XVIIIe siècle
C’est à la fin du XVIIe siècle qu’apparaît un nouvel art du paraître préfigurant le système actuel. C’est la naissance de ce que l’on désigne comme « l’art de vivre » et Paris tient une place de premier ordre. La Cour de Louis XIV, plus que toute autre, installe un apparat jamais connu auparavant qui rayonne dans le monde entier. «Il faut éblouir pour s’imposer »2. Les fournisseurs de ces biens précieux ouvrent des boutiques et les premières revues de « mode » sont publiées3. Face à l’avance anglaise ou germanique dans certaines
1 Voir notamment l’ouvrage d’Anne Kraatz, « Luxe et luxure à la Cour des Papes de la Renaissance », Les Belles Lettres, 2010. 2 Analyse de Karl Lagerfeld s’exprimant sur le faste de la cour de Louis XIV à l’occasion de l’exposition présentée au Château de Versailles en 2009.
3 Au sujet de la naissance du luxe moderne en France, le passionnant ouvrage de Joan DeJean, « Du Style », Grasset, 2006. Ces premières revues sont, en fait, des gravures reliées qui illustrent la mode du moment et ses évolutions.
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industries d’excellence, le ministre des Finances Jean-Baptiste Colbert souhaite dynamiser l’économie et les exportations françaises avec la création des manufactures4.
A cette mode de Cour extravagante, dont l’objectif est de démontrer la suprématie aristocratique, vient s’ajouter des habitudes plus sobres et pratiques dans les villes. Cette attitude est adoptée par la classe bourgeoise qui, par la même, se distingue et se constitue une identité de groupe. D’autant qu’une partie des usages, dont l’exclusivité de l’usage de certaines étoffes, est régie par les lois somptuaires5. Le luxe fait l’objet de vifs débats dans ce siècle des Lumières : nécessité ou futilité ? C’est la fameuse « querelle du luxe » qui voit s’affronter Rousseau et Voltaire.
Même si l’ambitieuse politique colbertiste a conduit à un accroissement fort et rapide des manufactures d’exception, Paris et la France n’ont, alors, pas le monopole de la production du luxe. En Saxe, un jeune chimiste met au point une porcelaine dure similaire à la porcelaine chinoise. En 1710 ouvre, à Meissen, la manufacture de porcelaine qui produira quelques chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle avec ses motifs peints et son travail en relief.
En Angleterre, le procédé de fabrication du cristal est mis au point en 1627. En 1759, Josiah Wedgwood fonde un atelier de céramique qui deviendra rapidement l’un des plus fameux de la planète. Dès 1774, Catherine de Russie lui commandera un service et lui garantira un rayonnement au-delà de son pays.
A Paris, dès 1723, par exemple, le fourreur Revillon établit sa boutique. En 1764, toujours dans l’esprit du développement d’une industrie manufacturière nationale, une verrerie ouvre à Baccarat, en Lorraine. A l’origine, il s’agit d’une fabrique de verres et de miroirs. Ce n’est que cinquante deux ans plus tard que Baccarat ouvre son premier four à cristal. En 1775, l’horloger Suisse Breguet ouvre un atelier quai de l’Horloge à Paris. Il fait évoluer les mécanismes des montres avec ses trouvailles et ses innovations techniques. Marie- Antoinette devient alors une de ses clientes. Au fil des années, la maison Breguet créera des modèles pour les grands de ce monde, ce qui lui permettra de bâtir sa légende à travers les époques (Napoléon, Churchill, la Reine Victoria ou Arthur Rubistein).
Marie-Etienne Nitot ouvre son atelier de joaillerie en 1780. En 1802, il accède à la notoriété en devenant le fournisseur officiel de Napoléon 1er. Il réalisera, notamment, les bijoux du sacre ainsi que ceux de ses mariages. La maison deviendra Chaumet en 1885 et s’installera au 12, Place Vendôme en 1907. Mettant fin au monopole anglais, les verreries royales de Saint-Louis découvrent, enfin, la technique de mise au point du cristal en 1781.
Rose Bertin est la première personnalité moderne influente de la mode. « Ministre des Modes » de Marie-Antoinette, elle dicte les tendances à la cour de Louis XVI : les tons pastel, la mode pastorale, le naturel mais aussi les silhouettes les plus précieuses sont imposés à la Cour par la volonté de cette femme. Son influence est grande auprès de la Reine. Sollicitée de toute part, Rose Bertin ira jusqu’à se permettre de refuser des clientes ce qui lui vaudra quelques inimitiés solides au sein de la cour. Néanmoins, son rôle n’est pas de créer des vêtements ou des parures mais de proposer à ses clients des étoffes, des broderies, des dentelles, des boutons et des plumes qui, assemblés, vont constituer un modèle.
4 Jean-Baptiste Cobert (1619-1683) a été ministre de Louis XIV de 1665 à 1685. Il fonda, notamment, les manufactures de la Savonnerie, des Gobelins et d’Aubusson pour la tapisserie, la Manufacture des Glaces de Saint-Gobain ainsi que la Manufacture de Vincennes puis de Sèvres pour la porcelaine. 5 Les lois somptuaires régissaient l’usage de certaines étoffes, bijoux ou accessoires. Elles édictaient, notamment, des interdictions. Outre leur caractère discriminatoire, elles permettaient aussi de limiter les importations de produits précieux de l’étranger.
Année universitaire 2011-2012 Semestre d’automne
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Tout au long du XVIIIe siècle, l’essor de la demande de produits précieux conduit à l’épanouissement d’un artisanat et de métiers d’arts, à Paris notamment: joailliers, horlogers, orfèvres, coiffeurs, marchands de tissus et autres commerces « de luxe » ouvrent dans Paris. Tous les métiers sont sollicités pour les grandes tenues d’apparat de la cour et l’Europe entière suit l’évolution des modes de la cour de Versailles à travers des gazettes et des gravures qui préfigurent les revues de mode. Des gravures satiriques circulent également et critiquent ces excès.
Les fournisseurs, recherchés pour leurs produits rares, gagnent de plus en plus d’influence auprès de leur clientèle. Certains maitres se font un nom. Le début des révolutions techniques contribue largement, par ailleurs, au développement du savoir-faire dans plusieurs secteurs.
Le XIXe siècle : naissance du luxe bourgeois.
Après 1789, le luxe et le commerce de mode, composés alors essentiellement de petits ateliers, continuent à prospérer. Après les austères mois de la Terreur, qui avait pris pour modèle l’ascétisme Spartiate, les élégantes reviennent. Dès la fin de cette période sombre apparaissent, à Paris, les « Incroyables » et les « Merveilleuses », des personnages extravagants par les excès de leur accoutrement. Sous le Directoire et l’Empire, le luxe reprend son essor. Le marchand de mode Leroy devient la nouvelle figure de la mode parisienne. Il impose la mode à l’antique mais il va y ajouter de la somptuosité avec des broderies, des ornements et des joyaux6. De nouvelles maisons s’établissent, surtout, à partir du milieu du XIXe siècle. L’art de vivre urbain et bourgeois se fonde sur le renouvellement de l’art de vivre aristocratique avec des produits nouveaux adaptés aux évolutions des modes de vie.
En 1820, l’orfèvrerie Puiforcat est fondée à Paris. Le parfumeur Guerlain s’implante à Paris en 1828. Il deviendra le maître de la parfumerie parisienne. Il créera pour l’Impératrice Eugénie la mythique cologne « L’Eau Impériale
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