Un Précurseur Du New Public Management : Henri Fayol (1841-1925)
kalel76co11 de Junio de 2013
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Un précurseur du New Public Management :
Henri Fayol (1841-1925)
Laurence Morgana *
Résumé
Henri Fayol (1841-1925) est l’auteur d’un ouvrage fondateur de la doctrine administrative : Administration industrielle et générale. Cependant, son expérience au sein des administrations publiques est méconnue. Lorsqu’il les étudie, Henri Fayol est plus critique que théoricien, plus ironique que dogmatique, c’est précisément ce qui rend sa production aussi pertinente. Mots-clés : Management public, Nouvelle gestion publique, histoire, Henri Fayol
A precursor of the New Public Management: Henri Fayol (1841-1925)
Abstract
Henri Fayol (1841-1925) is the author of a founding work of the administrative doctrine: Industrial and General Administration. However, his experience in government services is underestimated. When he studies them, Henri Fayol is more critical than theoretical, more ironic than dogmatic, that is precisely what makes its production also relevant. Keywords: Management public, New Public Management, History , Henry fayol
Introduction
Dans le domaine de l’histoire des théories du management public, le nom d’Henri Fayol est beaucoup moins cité que celui de son contemporain Max Weber associé à la bureaucratie, forme d’organisation préconisée et en essor dans le domaine du management public dans la seconde moitié du 20ème siècle jusqu’aux années 1970. Analysant les mutations des sociétés européennes, Max Weber constate une évolution dans les fondements de l’autorité et voit, dans l’émergence d’un idéal-type nommé bureaucratie, le signe de la rationalisation du monde moderne (Livian 1995 p. 23). Entreprenant le même type d’analyse dans le contexte public, il affirme que le modèle idéal de la bureaucratie est valable tant pour l’administration publique que pour les entreprises de toute nature (Bartoli 2009 ; Bartoli et Chomienne 2011). scientifique des problèmes d’organisations. Le fonctionnement de l’usine et ses ateliers repose sur une organisation rationnelle du travail, une manière spécifique de voir les relations sociales. Cependant, Henri Fayol établit en 1917 le Centre d’Etudes Administratives (CEA) à Paris qui va lui permettre d’engager entre 1921 et 1925 une série d’études pour le secteur public. Il va s’inspirer de son expérience dans l’industrie pour proposer une réforme de l’administration dont les conclusions demeurent actuelles. Sa démarche visant à moderniser les administrations publiques, en s’inspirant des pratiques de gestion du privée pour améliorer la performance n’est pas sans rappeler le concept du New Public Management. Le but de cet article est de montrer en quoi Fayol peut être considéré comme un précurseur du New Public Management. La vie de Fayol est sans doute une des clés pour la compréhension de son oeuvre dans la chose publique. L’article développe ensuite une présentation de ses études pour le secteur public, en particulier la plus importante : celle effectuée au sein des PTT. La troisième partie s’essaie à présenter Henri Fayol comme précurseur du New Public Management.
1. Fayol, industriel, chef et entrepreneur de réforme de l’Etat1
D’abord élève à l’Ecole des Mines de Saint- Etienne à défaut de l’Ecole polytechnique qui le refusa en raison d’un niveau trop faible en mathématiques, Fayol commence à l’âge de 19 ans une carrière d’industriel en tant qu’ingénieur de fosse aux houillères de Commentry et y réalise une ascension sociale fulgurante. A l’âge de 26 ans, lors d’un incendie survenu dans les galeries de la mine où il travaillait, Fayol se fit remarquer par son employeur qui le nomma, directeur de la mine Commentry (Zimnovitch 2005 p. 22). A 31 ans, il devient directeur de l’ensemble industriel minier. Deux ans plus tard, en 1874, la société s’appelait « Société Anonyme Commentry- Fourchambault » ou Comambault. Très vite, le jeune ingénieur fut confronté à des problèmes importants de gestion touchant la cohérence et la reddition des comptes dus à la concentration industrielle. Il maintient les mines en activité pendant plus de 10 ans au cours desquels le groupe fut bénéficiaire (Zimnovitch 2005 p. 22). La carrière de Fayol est étroitement liée à la Comambault. Le tableau ci-dessous met en parallèle la vie de Fayol et l’histoire de l’entreprise de la Comambault. En 1888, la Comambault est en pleine crise managériale et Fayol en devient le directeur général jusqu’en 1919, année où il quitte ses fonctionsi. Son objectif fut de remettre sur pied cet ensemble industriel en fermant les unités improductives, en investissant dans la recherche et la technologie et en développant la base géographique de la compagnie. Il remplit sa mission avec succès jusqu’à sa retraite Au fur et à mesure de son ascension au sein de la hiérarchie interne, Fayol élaborera la doctrine administrative. En effet, « tirant la leçon de cette expérience, Fayol attribua ces performances non pas à ses talents de technicien mais à l’application de sa méthode d’administration. » (Zimnovitch 2005 p. 23). Fayol était-il préparé à ce rôle de directeur ? Odile Henry pense que non en affirmant que la doctrine administrative est née du besoin de s’approprier un poste de direction pour lequel Fayol n’est pas préparé » (Henry 2012 p. 40).
Son ouvrage Administration industrielle et générale (Fayol 1979) publié pour la première fois en 1916 dans le Bulletin de la Société de l’industrie minérale, constitue « désormais incontestablement un classique du management » (Reid 1988). Il y décrit six fonctions fondamentales d’une entreprise (fonctions technique, commerciale, financière, sécurité, comptabilité et administrative). Il isole plus particulièrement la fonction administrative, qu’il décline en « cinq éléments d’administration » : « administrer, c’est prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler ».
Cependant, les administrations publiques et les services publics ne sont quasiment pas présents dans cet ouvrage. Mais la Première Guerre mondiale fera naître un débat dans la sphère publique : celui du « désencombrement » de l’État (militant pour un transfert au secteur privé de ses activités) face à son « industrialisation » (favorable à la prise en charge de l’industrialisation par un service public industriel et commercial) (Join- Lambert 1999, 2001). Ce débat trouvera d’un point de vue juridique et économique un écho.
D’un point de vue juridique, après la Première Guerre mondiale, les services publics marchands et non marchands ont été vécus par les gouvernants et par les agents d’exécution, comme un progrès dont il importait de répandre les bienfaits à toute la population et sur l’ensemble du territoire (Jeanneau 1989). La notion de service public consacré par l’arrêt Blanco du 8 février 1873 a en effet dominé la doctrine pendant de nombreuses années. Elle fondait la répartition des compétences entre les deux ordres : administratif et judiciaire. L’arrêt Bac d’Eloka rendu par le tribunal des conflits le 22 janvier 1921 participe cependant à la complexification de la notion de service public comme fondement de la répartition des compétences en distinguant implicitement un service public industriel et commercial – un service public fonctionnant dans les mêmes conditions qu’un service privé. Cet arrêt fait la distinction entre deux catégories de service public : ceux à gestion publique et ceux à gestion privée. Les activités de service fonctionnant dans des conditions analogues à celles des entreprises privées sont soumises au droit privé et donc à l’ordre judiciaire. Si le tribunal des conflits ne parle pas lui-même de « services publics industriels et commerciaux », la catégorie allait être consacrée quelques mois après lors de l’arrêt Société générale d’armement du 23 décembre 1921 (Chevallier 1997). Cet arrêt dispose clairement qu’il existe des services publics industriels pour lesquels l’État se trouve dans la même situation qu’un entrepreneur individuel et que, par conséquent, les litiges portant sur de tels services sont de la compétence du juge judiciaire.
D’un point de vue économique, les courants libéraux de l’après-guerre développent deux grandes thèses. La première suggère qu’un « désencombrement » de l'État opère un transfert au secteur privé des activités économiques de l’État. La seconde préconisant l’« industrialisation » de l’État adapte les méthodes de gestion des services publics avec celles du privé.
Pour Stéphane Rials, « la guerre n’a rien déterminé, mais elle a été un puissant facteur d’accélération, de généralisation d'un mouvement (le mouvement créateur des théories des organisations) dont les conditions essentielles, matérielles, doctrinales étaient réunies sans doute, mais de façon quelque peu statiques et partielles auparavant » (Rials 1977). Cet auteur pense même que la guerre fut pour Henri Fayol un révélateur particulièrement saisissant et qu’elle encouragea une modification de point de vue dans son discours. Sans adopter pour autant ce point de vue, on peut s’accorder avec lui pour admettre que l’état de crise de l’État a permis à ses idées d’être entendues (Reid 1988).
En 1917, Fayol établit le Centre d’Études Administratives (CEA) à Paris (Peaucelle, 2003b). Le centre fut important pour la diffusion de ses idées. La prolifération des projets de réforme de l’Etat après la Première Guerre Mondiale, tout comme le décloisonnement entre
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