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Le roumain de Moldavie et ses problèmes. Les réflexions « froides » d’Eugenio Coseriu sur un sujet « incendiaire ».


Enviado por   •  11 de Mayo de 2017  •  Ensayos  •  9.147 Palabras (37 Páginas)  •  184 Visitas

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Eugenia Bojoga

Université Babes-Bolyai de Cluj

                                

Le roumain de Moldavie et ses problèmes.

Les réflexions « froides » d’Eugenio Coseriu sur un sujet « incendiaire »

1. Le titre de notre texte est une paraphrase de celui d’Eugenio Coseriu, El gallego y sus problemas. Reflexiones frías sobre un tema candente, publié en 1987. Nous avons opté pour ce titre parce que le thème que nous allons traiter est proche de la problématique développée par le linguiste roumain dans cette étude. En général, les textes d’Eugenio Coseriu sur la soi-disant langue moldave – « Deontologia şi etica limbajului » [La déontologie et l’éthique du langage] (1992-1993a), « Deontologia culturii » [La déontologie de la culture] (1992-1993b), « Deontologia şi politica » [Déontologie et politique] (1995), « Alteritate, toleranţă şi masochism (dialog cu un elev despre politica şi etica lingvistică) » [Altérité, tolérance et masochisme (dialogue avec un élève sur la politique et l’éthique linguistiques)] (1997), « Politici lingvistice » [Politiques linguistiques] (2002a), « Unitate lingvistică – unitate naţională » [Unité linguistique – unité nationale] (2002b), « Unitatea limbii române – planuri şi criterii » [L’unité du roumain – plans et critères] (2004), « Latinitatea orientală » [La latinité orientale] (2005a), Limba română – limbă romanică [Le roumain – langue romane] (2005b) (qu’il a écrits lui-même ou qui reprennent en fait diverses interventions orales et conférences) – récupèrent les idées essentielles de ses études sur la politique et la planification linguistique dans l’espace hispanique, publiées dans les années 80-90[1]. Écrits en roumain, ces articles prolongent le débat ouvert par les études plus anciennes, tant au niveau théorique qu’au niveau méthodologique. Pris dans l’ensemble, ces textes proposent autant de perspectives passionnantes et inédites sur la soi-disant langue « moldave ».

2. En réalité, Eugenio Coseriu déconstruit d’une manière exhaustive la situation linguistique du roumain parlé dans la République de Moldavie. Non seulement sa perspective est ample, mais aussi elle modifie considérablement les termes du débat tel qu’on l’avait conçu jusque là. Autrement dit, il propose une approche « intégrale » de la langue « moldave », qui combine les points de vue généalogique, typologique et aréal, tout en tenant compte de la variation diatopique, diastratique et diaphasique.

Comme dans le cas du galicien, Coseriu adopte une attitude ferme, voire intransigeante par rapport à la méthode – à son avis, il tient de l’éthique du linguiste en tant que spécialiste de son domaine d’aborder également des questions de politique et de planification idiomatique :

« es cierto que la constitución de una lengua común es también, y en primer lugar, un problema político y que la lengua de una comunidad, como primer rasgo individualizador de ésta, puede ser objeto de pasión política. Por ello, es justo que los gallegos que hablan o quieren hablar gallego (así como los que no quieren hacerlo) tomen partido; más aún: deben tomar partido, pues lo que está en juego es su individualidad histórica y cultural. Pero no cabe que tome partido el lingüísta que examina objetivamente los problemas del gallego, incluso los problemas politicos »[2] (Coseriu 1987 : 127).

À une première lecture de ces études, on peut constater la présence de l’homme Coseriu, et non seulement celle du linguiste. Le linguiste ne peut faire abstraction de son moi empirique, intimement attaché aux réalités dont il fait l’analyse. Son implication subjective transparaît notamment dans le Laudatio « Moldovenismul… nu se opune românismului, ci este o formă a lui » [« L’esprit moldave ne s’oppose pas à l’esprit roumain, mais c’est l’une de ses formes »] (1999a), dans ses « Politici lingvistice » [Politiques linguistiques] (2002a) et dans les interviews qu’il a données en roumain (Guzun 2004, Furtună 2006 etc.).

Bien plus, il lui arrive parfois à s’identifier à son objet de recherche. À l’occasion de la conférence Limba română şi varietăţile ei locale [La langue roumaine et ses variétés locales], organisée par l’Académie roumaine le 31 octobre 1994, E. Coseriu déclare : « je représente, d’une certaine façon, le problème qui nous préoccupe ici (...), car je suis Roumain né en Moldavie, justement dans l’actuelle République de Moldavie » (Coşeriu 2004 : 179). De même, à l’occasion d’une table ronde organisée à la Faculté des Lettres de l’Université de Bucarest, il ajoutait à propos de la « théorie de la présumée langue moldave, inventée pour des raisons politiques » : « Un linguiste qui est à la fois savant et honnête est obligé de prendre position contre ce faux, de dévoiler sa nature et de le combattre à l’aide d’arguments scientifiques »[3] (Coşeriu 1995 : 52, notre trad.).

3. Qu’apportent de neuf ces textes ? Ce sont des contributions dans le domaine de la linguistique variationiste, de la sociolinguistique, de la politique et de la planification linguistique, où Coseriu fait plus qu’appliquer sa théorie à un nouvel échantillon de faits empiriques. Le nouveau corpus lui permet aussi de faire avancer la conceptualisation théorique.

Outre l’analyse détaillée des faits roumains dans une perspective diatopique et diastratique, ces textes contiennent des idées intéressantes, des directions de recherche et des développements de certains aspects dont la racine se trouve dans son ouvrage La corrección idiomatica[4]. Il est évident que la réflexion constante au sujet de la situation du roumain dans la République de Moldavie lui offre l’occasion d’y introduire des nuances et d’établir de nouvelles distinctions, ainsi que d’affiner certains concepts et d’en proposer d’autres. Dans tous les cas, ces textes contribuent à éclairer des concepts tels que l’altérité linguistique, l’altérité négative, l’altérité positive, la tolérance linguistique, le masochisme linguistique, l’éthique et la déontologie du langage etc.

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